Un nouveau front juridique s’ouvre contre l’administration Trump, après l’annonce d’une politique permettant l’expulsion de titulaires de visa sur la base de leurs publications en ligne. Cette mesure, mise en œuvre par le Département d’État et l’agence de l’immigration (ICE), prévoit d’analyser les comptes de réseaux sociaux à l’aide d’outils d’intelligence artificielle afin d’identifier des publications jugées « sensibles » ou « suspectes ».
L’Electronic Frontier Foundation (EFF), une importante ONG de défense des libertés numériques, a déposé une plainte fédérale pour contester ce dispositif de « capture et révocation » des visas. Selon l’organisation, cette politique constitue une atteinte grave à la liberté d’expression, protégée par le Premier Amendement, et instaure une surveillance disproportionnée, touchant aussi bien les non-citoyens que les citoyens américains.
« De nombreux membres des plaignants n’expriment plus d’opinions, même vaguement liées aux sujets que le gouvernement désapprouve, notamment en ligne, où il les surveille », dénonce la plainte.
L’administration justifie cette mesure par la nécessité de lutter contre le terrorisme, citant notamment la surveillance des soutiens présumés à des groupes comme le Hamas. Mais la portée de cette définition inquiète les défenseurs des libertés publiques. Le président Donald Trump a, par exemple, qualifié récemment le mouvement Antifa d’« organisation terroriste nationale », élargissant ainsi le champ des opinions potentiellement ciblées.
Cette incertitude pousse de nombreux immigrants à s’autocensurer en ligne, de peur de voir leur visa révoqué ou de faire l’objet de mesures d’expulsion.
Dans ce contexte tendu, les grandes plateformes numériques sont elles aussi impliquées. Le 14 octobre, Meta a confirmé avoir supprimé, à la demande du Département de la Justice, une page Facebook utilisée pour suivre les déplacements des agents de l’immigration. Quelques jours plus tôt, Apple et Google avaient bloqué le téléchargement d’applications signalant la présence d’agents de l’ICE, à la suite d’une exigence directe de l’administration.
L’agence de l’immigration prévoit désormais de renforcer son dispositif de surveillance numérique en créant une équipe disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Elle envisage de recruter une trentaine de prestataires privés chargés d’analyser des contenus publics sur Facebook, Instagram, TikTok, YouTube et d’autres plateformes afin d’identifier des pistes exploitables pour ses opérations de perquisition et d’arrestation.
Les associations de défense des droits humains redoutent que cette stratégie n’ouvre la voie à une surveillance de masse, touchant aussi bien les immigrants que leurs proches et, plus largement, l’ensemble des internautes.
Ce bras de fer judiciaire pourrait définir les limites légales de la surveillance des réseaux sociaux par les autorités américaines, et poser un précédent important pour la protection de la liberté d’expression à l’ère numérique.