Dans le nord-est de la Côte d’Ivoire, à la frontière burkinabè, la découverte d’un gisement d’or de plus de 100 tonnes bouleverse les perspectives économiques de la région du Bounkani et propulse Doropo au rang de futur hub minier stratégique pour l’Afrique de l’Ouest.
Doropo, petite localité enclavée dans le nord-est ivoirien, est brusquement propulsée sur le devant de la scène économique continentale. L’annonce récente de la découverte d’un gisement aurifère majeur estimé à plus de 100 tonnes d’or, soit environ 3 millions d’onces rebat les cartes du secteur minier ouest-africain. Une révélation de taille pour cette zone longtemps restée en marge des grands projets industriels.
Selon les premières estimations, ce gisement serait l’un des plus prometteurs découverts en Afrique ces dernières années. Un projet titanesque est prévu pour 2026, avec deux années de travaux avant l’entrée en production. Un budget de 300 milliards de francs CFA (environ 457 millions d’euros) a déjà été mobilisé pour porter ce chantier hors norme, qui nécessitera un déploiement logistique massif, incluant plusieurs centaines d’engins, des infrastructures lourdes et des installations de traitement de pointe.
La région du Bounkani, où se situe Doropo, fait face à une pauvreté structurelle car plus de 70 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. L’ouverture de cette mine représente donc bien plus qu’une simple opération industrielle. C’est une opportunité de transformation profonde pour un territoire historiquement délaissé.
À terme, près de 3 000 emplois directs seront créés, sans compter les milliers d’emplois indirects dans les secteurs de l’artisanat, des transports ou des services. L’État ivoirien table également sur plus de 300 milliards de francs CFA de recettes fiscales rien que pour la première phase d’exploitation. De quoi envisager la réalisation de projets structurants, écoles, centres de santé, routes… Autant d’infrastructures attendues de longue date dans cette zone sous-équipée.
Avec une production d’or qui a atteint 55 tonnes en 2023, la Côte d’Ivoire confirme sa montée en puissance sur le marché aurifère africain. Le gisement de Doropo s’inscrit dans cette dynamique, avec une pour ambition de faire de ce site un modèle technologique, managérial et environnemental.
Les autorités ivoiriennes souhaitent aller au-delà de l’extraction brute en développant des chaînes de valeur locales, incluant des unités de transformation de l’or sur place. Cette stratégie, inspirée de modèles ghanéens ou maliens, vise à capter davantage de retombées économiques et à renforcer l’expertise nationale dans le domaine minier.
Mais l’euphorie économique ne doit pas masquer les risques et les défis. Des organisations de la société civile locales ont déjà exprimé leurs préoccupations. L’expérience d’autres régions minières du continent a montré que des expropriations mal encadrées peuvent provoquer des tensions sociales durables. Ces ONG exigent la mise en place de mécanismes transparents de compensation pour les populations affectées par les travaux.
Sur le plan environnemental, les craintes sont aussi nombreuses, pollution des nappes phréatiques, déforestation, dégradation des sols… En réponse, les autorités promettent un encadrement strict et des normes environnementales renforcées. Mais la méfiance demeure.
Au-delà de l’or, c’est l’avenir d’une région entière qui se joue à Doropo. Un développement économique encadré et inclusif pourrait freiner l’orpaillage illégal, endiguer certaines logiques migratoires et stabiliser une zone historiquement fragile. Ce gisement d’or, désormais scruté par les marchés internationaux, pourrait à terme intégrer les grands circuits mondiaux d’approvisionnement, renforçant la position géostratégique de la Côte d’Ivoire.
Le projet Doropo incarne ainsi un croisement entre ambitions économiques, enjeux sociaux et impératifs écologiques. Il symbolise aussi l’entrée de la Côte d’Ivoire dans une nouvelle ère minière, où les richesses du sous-sol deviennent un levier de développement pour les territoires les plus marginalisés.
