Dans un contexte politique marqué par une montée des tensions, le Réseau panafricain des observateurs et défenseurs des droits de l’homme, par la voix de son coordinateur Me Bertin Amégah-Atsyon, a pris la parole ce lundi 7 juillet 2025 à Lomé pour livrer une lecture nuancée et rigoureuse de la situation actuelle.
Face aux dénonciations virulentes formulées le 30 juin dernier par certaines organisations se réclamant de la société civile togolaise, le réseau a voulu rétablir un équilibre dans l’analyse des événements récents. Il ne s’agit, selon Me Amégah-Atsyon, ni de défendre le pouvoir en place, ni de nier les attentes légitimes des citoyens, mais de rappeler que la société civile authentique doit conjuguer liberté et responsabilité.
« Nous ne pouvons rester silencieux face à une dénonciation unilatérale qui omet des faits graves tels que les appels à la violence, les insultes publiques ou les tentatives de subversion », a-t-il martelé.
L’intervention vise notamment à dénoncer ce que le réseau qualifie de «sélectivité coupable» dans les discours de certains acteurs, qui, tout en dénonçant une prétendue répression, passent sous silence des appels explicites à la haine ou à la violence diffusés sur les réseaux sociaux.
Justice, oui – Anarchie, non !
Le Réseau panafricain insiste : les droits fondamentaux tels que la liberté d’expression et de manifestation sont garantis, mais ne sont en aucun cas absolus. Ils doivent s’exercer dans le respect des lois et de la sécurité publique. Assimiler toute mesure d’ordre à de la répression systématique est, selon eux, un raccourci dangereux.
Dans cette perspective, le coordinateur a salué la démarche du Procureur de la République, intervenue sur la Télévision Togolaise le 6 juillet dernier. Ce dernier a clarifié que sur les 114 personnes interpellées lors des manifestations de juin, 87 ont été relaxées, et seules celles ayant sérieusement troublé l’ordre public feront l’objet de poursuites judiciaires.
Par ailleurs, le Procureur a précisé que les corps retrouvés dans les lagunes de Lomé n’avaient aucun lien avec les manifestations. Des enquêtes médico-légales ont prouvé que les décès étaient survenus bien avant les dates concernées, contredisant ainsi certaines affirmations relayées par des médias étrangers.
Médias, réseaux sociaux, et responsabilité numérique
La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) est également montée au créneau. Dans un communiqué diffusé lors du même journal télévisé, elle a convoqué quatre organes de presse pour diffusion d’informations non vérifiées. Ces derniers ont reconnu leurs torts et se sont engagés à respecter les principes d’équilibre à l’avenir.
Le réseau a aussi alerté sur les dérives liées à l’Intelligence Artificielle : images truquées, faux contenus, campagnes de désinformation massive… Des outils technologiques puissants qui peuvent, s’ils sont mal utilisés, semer la confusion, alimenter la peur et miner la stabilité nationale.
« Une société civile authentique ne se laisse pas instrumentaliser. Elle élève le débat, agit avec responsabilité, et préserve l’équilibre entre les exigences de liberté et les impératifs de paix sociale », a déclaré Me Atsyon.
Le spectre libyen en ligne de mire
Dans une mise en garde particulièrement marquante, Me Atsyon a évoqué l’exemple de la Libye, pays plongé dans le chaos depuis la chute de Kadhafi, pour illustrer les dangers de la radicalisation, de la manipulation émotionnelle et de la destruction des repères institutionnels.
Appel au dialogue et à l’action constructive
Le Réseau panafricain a conclu son propos par un appel fort : renforcer les efforts de dialogue à travers le Cadre Permanent de Dialogue et de Concertation (CPDC), intensifier les politiques publiques en faveur de la jeunesse et des couches vulnérables, et organiser les prochaines élections municipales dans des délais raisonnables.
« Le Togo mérite une société civile qui n’alimente pas les tensions, mais les désamorce. Qui ne ferme pas les yeux sur les dérives, mais les condamne avec lucidité et courage », a conclu Me Atsyon.
Dans une période où les passions menacent de prendre le pas sur la raison, cet appel sonne comme une exigence morale de hauteur, de responsabilité et de fidélité à l’idéal démocratique.
Me Bertin Atsyon a conclu avec une citation du Roi Guezo, « Lorsque chacun aura apporté son doigt pour boucher le trou de la jarre, l’eau n’y jaillira pas. »