
En Asie comme en Afrique, les pangolins sont prisés pour leur chair et leurs écailles. Dans ces deux continents, leur population a considérablement diminué ces dernières années. Tandis que le Nigeria est devenu le principal centre d’exportation des écailles de pangolins vers l’Asie, l’Afrique du Sud, elle, constitue le point névralgique d’exportation des pangolins vivants.
Selon un rapport de l’ONG TRAFFIC, environ 2,7 millions de pangolins sont chassés chaque année dans les forêts d’Afrique centrale. En Afrique de l’Ouest, entre 2009 et 2020, entre 650 000 et 8,5 millions de pangolins ont été tués. Victime d’un trafic intense dans les régions où il est endémique, le pangolin est aujourd’hui classé en danger critique d’extinction sur la liste rouge de l’UICN.
Les pangolins, mammifères uniques à écailles, présents en Afrique et en Asie, sont braconnés pour leur viande, leurs écailles, et d’autres parties de leur corps utilisées notamment en médecine traditionnelle. Les saisies de pangolins, de leurs écailles et de leur peau, en provenance d’Afrique à destination de l’Asie, ont fortement augmenté ces dernières années. Leurs écailles sont broyées pour être vendues dans des échoppes de médecine traditionnelle ou utilisées par des tradipraticiens. Elles sont censées traiter divers maux : infertilité, malnutrition infantile, asthme, rhumatismes, arthrite, ulcères, troubles rénaux ou aménorrhée. Elles sont encore aujourd’hui prescrites dans certains hôpitaux spécialisés et vendues par des détaillants de médecine traditionnelle.
Historiquement, la Chine est l’un des plus gros consommateurs de produits dérivés du pangolin. En 2016, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) a interdit toute commercialisation de cette espèce. Toutefois, le commerce illégal reste florissant. Pour produire 12 tonnes d’écailles de pangolin, entre 20 000 et 30 000 individus doivent être tués. En 2021, le Nigeria a saisi environ 160 sacs d’écailles de pangolin et une soixantaine d’autres contenant de l’ivoire ou des os d’animaux protégés, à destination du Vietnam. Déjà en 2019, plus de 23 tonnes d’écailles avaient été interceptées. Ce sont donc des millions de pangolins qui ont été tués dans les forêts d’Afrique et d’Asie au cours des dix dernières années.
Les réseaux du crime organisé, autrefois centrés sur le trafic d’ivoire, se tournent désormais vers le pangolin. La demande transnationale alimente le braconnage et le commerce illicite, malgré les interdictions mondiales. La viande de pangolin est un mets recherché en Asie, et ses écailles sont réputées pour leurs prétendues vertus médicinales. Le braconnage est facilité par la porosité des frontières, une application laxiste des lois, et la corruption. Ce commerce a des effets dévastateurs sur les populations de pangolins : il perturbe leur reproduction et empêche leur régénération.
Le trafic est bien organisé. Les trafiquants passent plusieurs jours dans la brousse pour capturer les pangolins, qui se recroquevillent instinctivement en boule lorsqu’ils sentent un danger. Au Cameroun, en RDC, au Gabon, en Centrafrique ou au Liberia, les écailles sont collectées par des intermédiaires, puis acheminées vers le port de Lagos. Elles sont dissimulées dans des véhicules, pirogues ou bateaux, souvent au milieu de marchandises ordinaires comme du bois ou des denrées alimentaires, et passent les frontières avec la complicité d’agents corrompus.
Délocalisation du marché illicite
La structuration du marché illicite du pangolin repose sur la demande alimentaire et médicale. Bien que le commerce fût légal dans les années 1970, aucun réel contrôle n’était en place. C’est pour enrayer ce carnage que la CITES a interdit en 2000 le commerce international du pangolin, puis en 2017, la commercialisation de toutes les espèces menacées, y compris les produits dérivés. Entre 2000 et 2015, plus de 153 000 saisies ont été recensées, représentant environ 265 000 pangolins. Cependant, le nombre réel de spécimens concernés reste difficile à estimer.
En Chine, dans la province de Fujian, 4 029 pangolins ont été capturés officiellement en 1990, contre environ 20 000 par an dans les années 1960. Cette diminution a conduit la Chine à importer du pangolin du Myanmar, du Laos et du Vietnam. Depuis 2008, le commerce s’est globalisé, touchant de nouveaux pays comme Hong Kong, Singapour, et l’ensemble de l’Asie du Sud-Est, ainsi que des régions éloignées, y compris les États-Unis ou l’Allemagne, servant parfois de plateformes de transit.
Depuis cette date, des saisies impliquant les espèces africaines se sont multipliées, notamment en Angola, Cameroun, Centrafrique, RDC, Côte d’Ivoire, Guinée, Kenya, Mozambique, Nigeria, Sierra Leone, Ouganda, Zimbabwe et Zambie. En Ouganda, en 2012, un trafiquant a reconnu recevoir ses stocks de plusieurs localités, y compris la RDC. Les habitants des zones rurales, conscients de la valeur de l’animal, participent au braconnage avec l’appui d’intermédiaires.
Le cas du Togo
Bien qu’aucune donnée précise ne soit disponible sur la diminution des populations de pangolins au Togo, leur raréfaction est évidente. La destruction des forêts et la surexploitation ont fait grimper leur prix, créant un « vortex d’extinction ». En décembre 2018, une saisie de 37 kg d’écailles a été opérée. Le Code pénal prévoit des peines allant d’un à cinq ans d’emprisonnement et des amendes de un à cinq millions de francs CFA pour tout acte de commerce illégal d’espèces menacées. Malgré cela, le trafic se poursuit, notamment par le port autonome de Lomé, devenu un point stratégique du commerce d’espèces protégées.
Rôle écologique des pangolins
Les pangolins jouent un rôle fondamental dans l’écosystème : ils régulent les populations d’insectes, et leurs fouilles enrichissent les sols. Sans eux, la prolifération d’insectes pourrait détruire les habitats forestiers. Leur disparition aurait un impact écologique majeur. Le cas du pangolin reflète un problème global : la relation destructrice de l’humain à la nature, exacerbée par l’industrialisation et la mondialisation des marchés. Si rien n’est fait, cette espèce risque de disparaître à jamais. Il est urgent de prendre en compte à la fois les existences humaines et non-humaines dans les efforts de conservation.