L’encrage du processus de décentralisation se poursuit au Togo, avec la tenue des premières élections sénatoriales prévues pour le 15 février. Nous avons rencontré Ourna Gnanta, un acteur politique, pour recueillir son avis sur cet événement historique.
- David Ourna Gnanta, bonjour et merci de nous accorder cet entretien. Les élections sénatoriales prévues ce 15 février marquent une première dans l’histoire du Togo. Selon vous, quels changements majeurs ces élections pourraient-elles apporter à l’architecture institutionnelle du pays ?
Ourna Gnanta : Bonjour et merci. En effet, ces élections représentent un tournant majeur. Le principal changement réside dans la transition vers un parlement bicaméral, composé d’une chambre haute et d’une chambre basse. La chambre haute, c’est le Sénat, qui représente les collectivités territoriales. Les sénateurs seront élus par un scrutin indirect à travers les représentants des collectivités territoriales. Quant à la chambre basse, il s’agit de l’Assemblée nationale, élue directement par le peuple.
Il est important de souligner que ce n’est pas une nouveauté ou une invention de la réforme de mai 2024. Le Sénat est une institution prévue par la Constitution originelle de 1992, mais sa mise en place a tardé en raison du retard pris dans le processus de décentralisation. Aujourd’hui, la création du Sénat achève enfin ce processus. Il faut également noter qu’il intervient dans un contexte de réforme du régime politique, avec l’apparition d’une nouvelle institution, le Président du Conseil, qui sera désigné uniquement par l’Assemblée nationale. Cela constitue un réel changement dans l’architecture institutionnelle.
- Certains critiques estiment que le Sénat n’est pas nécessaire au Togo, notamment en raison de la taille du pays et des coûts supplémentaires qu’il pourrait engendrer. Que répondez-vous à cet argument ?
Ourna Gnanta : Le Togo n’a pas encore expérimenté la mise en place du Sénat, et il est prématuré de dire qu’une institution destinée à renforcer notre démocratie sera une charge budgétaire excessive. Il est important de rappeler que cette question n’a jamais été soulevée avant la réforme du 6 mai 2024. Le Sénat est une institution prévue par la Constitution de 1992, et ceux qui s’inquiètent aujourd’hui de son coût étaient, à l’époque, en faveur de sa mise en place. Lors des différents dialogues, ces acteurs ont insisté sur la nécessité de mettre en œuvre toutes les institutions prévues par la Constitution de 1992. Avant mai 2024, personne n’a exprimé de réticence à l’idée de créer le Sénat.
- En clair, malgré les préoccupations liées à son coût, estimez-vous qu’il est nécessaire de poursuivre cette réforme ?
Ourna Gnanta : Je ne sais pas sur quelles bases ces critiques sur le coût du Sénat sont fondées, mais je pense qu’il est important de le mettre en place pour renforcer notre démocratie. Nous n’avons jamais expérimenté cette institution, il faut donc tenter l’expérience. Si nous rencontrons des difficultés en chemin, nous pourrons les adresser. Pour l’instant, il est crucial d’avancer. Nous avons analysé ce que nous avons fait jusqu’à présent et les difficultés rencontrées. Je pense que ceux qui ont initié ces réformes ont pris une bonne direction.
- Certains partis de l’opposition boycottent ces élections, évoquant un manque de transparence et de légitimité. Quelle est votre réaction face à cette position ?
Ourna Gnanta : En démocratie, il n’y a aucune obligation de participer à un processus électoral. Chacun est libre de ses choix, et chacun fait ses calculs. Mais je pense que certains partis se trompent de voie. Leur position reflète une incohérence et une inconstance qui devraient les amener à revoir leur position. Ces acteurs politiques ne sont pas jeunes, et je crois que le renouvellement de la classe politique apportera des changements positifs.
- Parlons maintenant de la campagne du parti UNIR. Comment se déroule-t-elle sur le terrain ?
Ourna Gnanta : Vous verrez que nos candidats sont actifs sur le terrain. La campagne se déroule en deux phases : d’une part, une opération d’échange et de séduction de l’électorat, bien entendu, mais aussi une action pédagogique auprès de la population. Les cadres du parti rencontrent les communautés locales pour expliquer les réformes en cours, la Ve République, ainsi que les enjeux et défis à venir. C’est un aspect très important. Bien que le scrutin soit indirect, cette campagne permet d’éclairer l’opinion publique sur ce qui se fait actuellement, et je pense que cela est très utile. Tous les acteurs, tous les candidats, doivent s’inscrire dans cette logique.
- Ourna Gnanta, merci pour cet échange riche et instructif.
Ourna Gnanta : C’est moi qui vous remercie.